Besoin d’un sujet polémique ? Le skateboard doit-il aller aux JO ? Le skateboard a-t-il besoin d’être présent aux Jeux Olympiques ? Ne va-t-il pas y perdre son âme ? Qu’est-ce que la « discipline » va y gagner ? Est-ce dans l’intérêt des pratiquants ? Entre tentatives de récupérations et opportunités de visibilité, le skateboard ne sait pas sur quel pied danser avec sa première participation aux JO.
Ceux qui sont pour le skate aux Jeux Olympiques
Le skateboard au Jeux Olympiques n’est pas dénué d’avantages :
- Une forte visibilité. Tout le monde va voir du skate, va lire les résultats du skate et va en parler.
- Une dédiabolisation et une crédibilisation de la pratique. Le skate ce n’est pas que des ados qui font du bruit sur la place de la mairie. C’est aussi une vraie discipline sportive qui est reconnue, qui passe à la télé et dont on parle presque comme des autres sports. Ça va débloquer certaines mentalités et faire évoluer des préjugés.
- L’envie de montrer ce qu’est le skate et ce que savent faire les meilleurs de la discipline.
- Une nouvelle vague de participants. Et donc du business pour les marques et les skateshops. Et aussi pour les animations et les cours de skate qui rassurent les parents et qui sont appréciés par les enfants.
- Des avantages auprès des institutionnels et de la fédération dont dépend le skateboard.
Ceux qui sont contre le skate aux Jeux Olympiques
Mais les critiques sont nombreuses :
- Devenir grand public écorne le côté « rebelle » / « marginal » / « en dehors du système » du skateboard. Nombreux sont les pratiquants qui s’identifient aux contre-cultures. Rejoindre la culture mainstream, ce n’est pas ce qui est souhaité. Nouveaux poseurs, skates électriques et autres pièces rapportées ne vont pas apporter grand chose de bon aux pratiquants.
- Le skateboard c’est avant tout un mode de vie. Réduire la pratique pour la faire rentrer dans les cases étriquées qu’impose le format olympique fait perdre l’essence de la pratique et la liberté à laquelle sont attachées les skateurs. Pour la même raison que les skateurs n’apprécient pas particulièrement les contests, les JO imposent un jugement basé sur des points, des règles, un uniforme… Il n’y a qu’à voir les dégâts que cela a causer sur le snowboard : le meilleur est celui qui fait le plus de rotations. Pas celui qui fait le meilleur run ni celui qui a le meilleur style.
- À voir le skateboard encadré et pratiqué dans des lieux fermés (les skateparks), quel va être l’avenir de la pratique dans les villes ? Le vrai esprit du skate, celui qui se pratique dans la rue va-t-il devoir se plier et se replier dans les seuls périmètres tolérés. On retrouve ici le débat qui apparaît à chaque construction d’une nouveau skatepark : la mairie qui offre le park va-t-elle en même temps interdire la pratique dans le reste de la ville ?
- Et que va penser le grand public des prestations des skateurs ? Nonchalance dans les runs, plus de chutes que de tricks rentrés, pas de compréhension des subtilités (normal / switch)… Le grand public risque de ne pas trouver l’esprit de performance et de dépassement de soi chers aux sports traditionnels. Les commentateurs et journalistes sauront-il faire passer l’esprit du skate plutôt que de s’attarder sur le décompte des points ? Dans le même temps, il est certain que les pratiquants ne seront pas séduit par le format compèt’.
- Le skate est-il aligné avec les valeurs de l’olympisme ? Est-ce que le « plus haut, plus vite, plus fort » colle avec le skate ? Pas vraiment. Par contre, les valeurs de respect et de joie dans le dépassement de soi sont bien en phase avec l’esprit skate.
- Les Jeux Olympiques sont en perte de vitesse et ne font plus rêver comme avant. Le skateboard, tout comme les nouvelles disciplines, sont là pour donner un coup de jeune au dinosaure de Coubertin.
- Les JO ne vont pas utiliser les X Games ni les Vans Park Series pour les qualifications. Ces super événements ne sont pas forcément appréciés des skateurs de tous les jours. L’alternative proposé par le modèle olympique séduira-t-elle plus ?
- Qui va récupérer vraiment les bénéfices de la médiatisation ? Comme le skate est très peu structuré et que les skateurs ne veulent pas se retrouver contraint dans le modèle fédéral, l’impact redescendra-t-il jusqu’au skatepark du coin ?
Voir plus loin
Dans un écosystème ou les skateurs sont bien seuls, on a d’un côté une fédération qui ne fait pas rêver malgré les efforts de l’équipe « skate » qui tente de concilier 2 univers très éloignés et d’un autre côté des marques parfois très puissantes qui sont capables de chambouler le marché (NikeSb Shoes ?).
Le skateboard aux JO va donc donner un coup de projecteur à la discipline mais que va retenir le grand public ? Certainement plus la discipline sportive que l’esprit de la pratique. Le terme discipline colle d’ailleurs particulièrement mal avec le skate : le skateur est passionné et vit le skate.
À moyen terme, le skate devrait malgré tout en bénéficier et le nombre de pratiquants va aller croissant. Devenir plus respectable peut difficilement se faire sans concession. C’est un peu le deal : perdre de son indépendance et gérer le conflit de culture pour gagner en visibilité. Mais qui a décidé que le skate devait gagner en visibilité ? Qui a décidé pour les pratiquants ? Certainement pas les principaux intéressés qui ne savent pas se faire représenter et qui ne veulent pas vraiment faire partie du système. Pourtant ça aurait eu du bon d’avoir pu faire entendre cette voix.
Le skateboard vit une nouvelle étape de sa jeune vie. Une petite crise de plus diront les plus anciens. Grandir, c’est aussi arrondir les angles et faire des concessions. Pour décider de la direction que doit prendre le skate, il faut s’impliquer et accepter de jouer le jeu des autres (les institutionnels, les fédérations, les entreprises, les lobbies) pour mieux avancer dans la direction que l’on souhaite. Il y a encore du chemin à parcourir… avec un skate sous les pieds évidement !